Bernard Buffet est né le 10 juillet 1928 à Paris, dans le quartier des Batignolles, fils de Charles Buffet et de Blanche Colombe.
Pour ses admirateurs, Bernard Buffet est le génie à l’état pur. Reçu à 15 ans à l’Ecole nationale des beaux-arts, il n’y reste que deux ans et décide de travailler seul. Introduit auprès de collectionneurs par le peintre Aujame, il est récompensé à 20 ans du Prix de la Critique (1948), ex æquo avec Bernard Lorjou. En 1955, Buffet remporte le référendum organisé par la revue Connaissance des Arts qui le sacre meilleur artiste français d’après-guerre. Maître du misérabilisme, Bernard Buffet a trouvé sa place dans les plus grands musées du monde ; le Japon lui en a même intégralement consacré un à Surugadaira, fondé par Kiichiro Okano en 1973, avec un fonds de près de mille œuvres.
La personnalité de Bernard Buffet se révèle en 1947 ; à partir de cette époque, ses œuvres sont présentées à Paris chaque année. Buffet expose L’homme accoudé au Salon des Indépendants, et en décembre de la même année, sa première exposition se tient à la Librairie des Impressions d’Art. La reconnaissance est immédiate : Raymond Cogniat lui achète Nature morte au poulet pour le Musée National d’Art Moderne de Paris. Ses premiers travaux aux figures anguleuses le classent d’emblée dans la mouvance expressionniste misérabiliste de Francis Gruber et de Georges Rouault.
Le premier contact avec le marchand d’art Emmanuel David a lieu l’année suivante, en 1948. Ce dernier fut véritablement à l’origine de sa carrière internationale avec une première exposition à la Galerie Drouant-David en 1949. David fait signer à Bernard Buffet un contrat d’exclusivité qu’il partagera par la suite avec Maurice Garnier à partir de 1957. Maurice Garnier détiendra l’exclusivité totale de la production à partir de 1968.
Parce que la peinture est chère, Buffet l’économise et n’en met que peu sur ses toiles. Peu de matière, donc, et peu de couleurs : seulement des gris, des noirs, des bistres et des verts.
Ses œuvres sont fortes, poignantes ; le dessin, déterminé, s’allonge comme une supplique. Visages gris, fronts ridés, cheveux raides ou rares, mains crispées, ses personnages semblent crucifiés. On aime cette personnalité nouvelle : le style Bernard Buffet s’impose, au point que Monseigneur Pasquale Macchi, secrétaire du Pape Paul VI, sollicite l’artiste pour qu’il fasse don de toiles au Vatican. Bernard Buffet cède alors un ensemble de tableaux représentant la Passion du Christ réalisé 1961 et qui devait décorer la Chapelle de sa propriété de Château l’Arc acquise en 1956.
En 1958, la Galerie Charpentier à Paris organise la première rétrospective de son œuvre. Cette même année, Buffet rencontre et épouse Annabel Schwob qui devient sa muse et sa compagne d’une vie. Dès lors, le style pictural du peintre évolue, s’épanouit, gagnant en force et en couleurs. La récente exposition organisée au musée du Touquet : « Une Symphonie de couleurs en plus » (16 nov. 2015 – 10 janv. 2016) a permis au plus grand nombre de redécouvrir cet aspect longtemps oublié de son travail, souvent limité à sa production de jeunesse. Ses références sont d’ailleurs variées : Grünewald, Rembrandt, Chardin, Van Gogh… auxquels de nombreuses œuvres rendent hommage.
Bernard Buffet illustre parfaitement le divorce entre les Français et l’art figuratif contemporain. Artiste populaire par excellence, Bernard Buffet est aimé du public, détesté des élites qui lui reprochent d’être trop prolixe, trop figuratif, et donc pas assez intellectuel. A ses 8000 toiles, aquarelles, dessins, estampes (lithographies et gravures) s’ajoutent des décors de spectacles, des costumes, ainsi que deux projets de timbres (1978 et 1991). Il rejoint en cela Renoir et Picasso, artistes eux aussi très féconds.
Sa nomination à l’Académie des beaux-arts (1974) et ses promotions au rang d’Officier de la Légion d’honneur (1993) et d’Officier des Arts et des Lettres attestent d’une reconnaissance officielle sans équivoque, en rupture avec le désamour que lui a longtemps voué l’intelligentsia française : il n’a pas toujours été de bon ton d’apprécier l’œuvre de Bernard Buffet. Seule la critique Lydia Harambourg a toujours défendu son travail.
Qu’importe. Spirituel, entier, sensible, tourmenté, Buffet fut un esprit libre que ses détracteurs libérèrent de toute volonté de plaire. « La Haine dont je suis entouré », disait-il « est pour moi le plus merveilleux cadeau que l’on m’ait fait. Je n’ai à ménager rien ni personne. Peu de gens peuvent en dire autant ». Ayant consacré sa vie à la peinture, seul but réel d’une existence vouée à la création, Buffet met en pratique sa formule rapportée par Stéphane Laurent : « Quand on a plus rien à dire, on se suicide ».
Les symptômes de la maladie de Parkinson apparaissent en 1997. Le 4 octobre 1999, ne pouvant plus peindre, Bernard Buffet met fin à ses jours dans son domaine de Tourtour, en s’asphyxiant avec un sac en plastique sur lequel sa signature était reproduite.
Muséographie (liste non exhaustive) :
– Musée du Vatican, galerie d’art moderne : (La Passion du Christ, ensemble daté de 1961),
– Musée Bernard Buffet, Surugadaira (Japon),
– Musée d’Art moderne de la Ville de Paris…
Bibliographie sélective :
Bernard Buffet, éd. Fonds de dotation Bernard Buffet, 2013.
BUFFET Annabel et LAMY Jean-Claude, Bernard Buffet : Secrets d’atelier, photogr. Luc Fournol et Benjamin Auger, Flammarion, 2004.
CAMUS Brigitte, Buffet ou la psychanalyse en signature, éd. Epure, coll. Essais sur l’art et la création, 2007.
HARAMBOURG Lydia, Bernard Buffet et le Bretagne, Plomelin, Ed. Palatines, 2006.
LE PICHON Yann, Bernard Buffet, éd. Maurice Garnier, 3 vol.
PERIER Henry, Bernard Buffet et la Provence, Plomelin, Ed. Palatines, 2007.
SILLEVIS John, Bernard Buffet, Plomelin, Ed. Palatines, 2013.
SORLIER Charles, Bernard Buffet lithographe, tome I : 1952-1979, Monte-Carlo, éd. André Sauret, 1979.
SORLIER Charles, Bernard Buffet lithographe, tome 2 : 1979-1986, Monte-Carlo, éd. André Sauret, 1987.
Une Symphonie de couleurs en plus, cat. expo. Musée du Touquet-Paris-Plage, 2015.